13 ans séparent ces clichés de ceux pris en 2010 lors de ma première expédition française de dépollution de l’Everest où nous avions collecté 1 tonne de déchets des contreforts du toit du monde. Peu de changement sur cette fraction la plus élevée du globe.
La question récurrente à mon retour en 2010 : combien reste-t-il de tonnes de déchets sur l’Everest ? De manière tout à fait intuitive, je répondais à l’instinct et au doigt mouillé : au moins 30 tonnes, peut-être plus. L’expédition Everest Green 2017 menée par mon ami Gérard Clermedy, www.montagne-et-partage.com confirme ce triste constat de la pollution par l’homme de l’un des plus beaux sites naturels du monde : les neiges éternelles de l’Himalaya. Ils ont collecté, trié, recyclé 5 tonnes de déchets. ces opérations pionnières et NGO 2010-2017 (Non Gouvernemantal Organization) ont initié une démarche, une prise de conscience par les équipes de Sherpas qui ont contribué à ces réussites (ne plus jeter, collecter, trier, recycler). La prise de conscience côté occidentaux ou orientaux qui ne viennent que pour tenter le sommet est inexistante. « Je paye, je viens, je m’occupe de mon moi (pas simple la vie en très haute altitude), je fais confiance aux agences de trekking / sommet » qui affichent des slogans bien marketés : XXXXXXX RESPONSABLE CLIMBER. Il n’empêche, dès que nous avons le dos tourné, ces déchets sont laissés à Dame Nature au nom du soi-disant « Natural cleaning ». Mieux, ils sont planqués sous des pierres, cailloux (ciseaux si vous voulez) ou jetés dans les immenses glaciers himalayens d’où ils ne ressurgiront que dans 200 ans, dans un fond de vallée tout aussi himalayen, donc gigantesque, dont on se fout éperdument. Le constat est le même : 80 ans d’expéditions pionnières ou commerciales ont entamé un processus de déchets. Consommer, c’est « déchêter « .
La logique des pionniers n’est pas excusable, mais entendable. Il faut remettre les choses dans leur contexte historique où la préservation de l’environnement n’était pas une préoccupation. Mais en 2023, plus personne ne devrait tolérer que les déchets issus des expéditions commerciales ne soient pas redescendus dans la vallée pour un minimum de tri et de recyclage ou d’élimination par combustion. Les prétendants au sommet, bien trop préoccupés par leur acclimatation à la très haute altitude, feraient bien de se préoccuper voir de s’occuper des déchets générés par leur propre expédition.
Le projet de dépollution du Makalu a nécessité l’acheminement à 5 680 m au camp de base avancé de 1 500 kg de matériel, nourriture dont une grande partie devra être redescendue à la fin de l’expédition. Or, on le sait, à la fin d’une expédition de plus de 60 jours, chacun, occidentaux, Sherpas n’a qu’une hâte : rentrer chez soi. La solution de facilité est donc de laisser les déchets sur place, de les bazarder dans les glaciers ou de les planquer sous des rochers. Et puis gérer ses déchets à un coût certain que les expéditions ne sont pas prêtes à payer ou à faire payer à leurs clients (bienvenue dans le monde du commerce où chacun va essayer de payer le moins cher possible son expédition ou son trek). Les agences népalaises de plus en plus nombreuses et low cost s’alignent et font l’impasse sur la gestion de leurs déchets.
Himalayan Clean up a pour objectif en 2023 de dépolluer deux sommets emblématiques de plus de 8 000 m : le Makalu et les Annapurna et de compenser ses émissions de CO² globales (transports avions, hélicoptère, fuel, électricité, émissions liées au brûlage des déchets collectés…) par un programme de reforestation dans le village de Ghat. Ghat se trouve dans la vallée du Khumbu sur le chemin du camp de base de l’Everest. La déforestation au Népal est un autre grand enjeu environnemental au même titre que les gestion des déchets.
Sur le Makalu, où je suis présent pour superviser les opérations de dépollution et aussi mener une tentative sur ce très haut et très dur sommet (8 465 m), nous avons récolté plus de 2 500 kg de déchets en tout genre. Ils ont été triés par famille, conditionnées par typologie en sac de 15 ou 30 kg pour qu’une noria de porteur (plus de 80) les descende en vallées pour recyclage local (fer, acier, aluminium, verre) ou brûlage (PVC, plastique…). Nous sommes en dessous de l’objectif de 5 tonnes. L’armée népalaise sur ordre du gouvernement a mené une première opération de dépollution en 2021, profitant de l’absence de touristes liée à la pandémie Covid 19 et récoltant pas loin de 5 tonnes de déchets sur le Makalu et au total 21 tonnes sur 6 des plus hauts sommets de l’Himalaya. www.nepalarmy.mil.np
Nous poursuivons notre effort pédagogique et financier dans les villages traversés lors du trek qui mène au camp de base du Makalu (Num, Seduwa, Tashgaon, Dobate…). Nous alimenterons en fonds et en moyens un programme non gouvernemental de reforestation dans le village de Ghat. Nous gardons quelques réserves pour commencer à plancher sur le projet 2 025 de dépollution d’un autre géant himalayen.